Extrait du recueil : « Il n’est pas une heure qui ne la voit blanche et nue, silhouette claire et douce que tamise la lumière d’astres en fuite La fastueuse éthérée sait être complice amoureuse et si la mer se retrousse en ourlets de plaisir avant que ne s’étrangle le feu sous les yeux d’un veilleur La beauté, elle, effarouchée délicieuse s’étale, long corps étincelant au creux d’une alcôve sertie d’une eau de fontaine j’ai décrit l’éthérée jolie aux yeux de jade moi, l’aimant cette insoumise… »
En poésie, l’alliage des mots peuvent créer un monde parallèle. De par la profusion des ressentis et des images on peut s’approcher de l’indicible, du sens caché de ce monde.
C’est en quelque sorte un état second, où ce langage différent, exalté, nous entraine sur l’autre rive et confère au réel sa forme kaléidoscopique. Et ces innombrables combinaisons de la beauté sont proches d’un infini projeté, souhaité.
En réalité, la poésie échappe à sa capture désirée par une définition. Le ressenti poétique se vit tout simplement.
Préface du recueil : Si tu ouvres ce livre de poésie avec un intérêt sincère, ami lecteur, amie lectrice, tu es un oiseau rare : tu sais goûter les plaisirs les plus insoupçonnés, les plus subtils, et tu ne seras pas déçu par La belle éthérée. L’intention poétique de ce petit recueil se signale dès son titre : un mot comme éthérée ne joint-il pas dans le trait musical de ses voyelles et dans la verticalité de son th grec la beauté mystérieuse de la forme à celle de la signification ? Il suffit d’ouvrir ensuite et de contempler une seule page de ce livre pour comprendre qu’Alexis Alatirseff sait tirer parti des libertés permises à la Muse poétique pour jouer avec elle, afin de rendre visible un rythme, celui des émotions, de la chair et des éléments, figure nullement artificielle (mais artiste) quand ce rythme est celui de ce dont on parle.
Car la poésie, c’est d’abord une puissance de suggestion, le pouvoir conféré à la parole de réveiller chez l’auditeur ou le lecteur tout un monde d’images mêlées de sensations, d’émotions et de pensées. Il suffit de lire les tout premiers poèmes du recueil pour se laisser séduire par cette voix irrésistiblement puissante, et se laisser entraîner dans le monde étonnant du poète-magicien.
Chaque poète a son style, bien sûr. Je laisse au lecteur auditeur le soin de percevoir celui d’Alexis Alatirseff. Le sien me frappe personnellement par son mélange subtil de sensualité discrète et d’abstraction frappante, un mélange nullement précieux (une esthétique qui serait en soi tout à fait légitime) mais léger comme un arôme, ou mieux, comme ce qu’annonce le titre : un monde visuel fait de lumières furtives et colorées, de sons aussi, de mouvements variés, de formes terrestres saisies dans leur sublimation, telles ces dames des eaux vaporeuses qu’on appelle des fées ou des sirènes, donnant forme à la puissance fascinante et ambivalente de l’imaginaire et du vertige des sens.
Je le dis très sincèrement : la poésie d’Alexis Alatirseff atteint, pour parler d’amour et de plaisir érotique, des sommets de sophistication (c’est une fête permanente pour les amateurs de stylistique) mais avec un naturel extraordinaire, achevant d’entraîner le lecteur dans la rêverie de l’auteur, et donnant à ce cortège d’images et d’émotions personnelles un caractère puissamment universel, archétypal comme disent les philosophes et les psychologues – ces poètes très imparfaits, inachevés.
Je ne veux pas en dire plus, tant je suis revenu moi-même ébloui, sinon bouleversé, muet, du voyage que propose ce poète et ami – par ailleurs peintre, cinéaste et musicien accompli, artiste total, totalement artiste, comme sa vie peut en témoigner. Peut-être a-t-il trouvé dans la poésie son art suprême. Mais j’en ai assez dit. Il n’y a pas un mot à ajouter quand le Verbe est parfait.
Olivier Rimbault
Docteur ès lettres classiques